Chaque mois, OVRSEA part à la rencontre de ses chargeurs pour discuter de l'actualité du transport international et évoquer les défis actuels du secteur. Cette semaine, notre équipe a interrogé un expert du marché américain, Joseph Appert, Directeur général de Babymoov Amérique du Nord, une entreprise française spécialisée dans la puériculture et implantée aux quatre coins du monde. Il revient sur la crise sanitaire qui a totalement bouleversé la supply-chain de l'entreprise et nous livre sa vision du transport post-Covid.
Bonjour Joseph, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour et merci de me recevoir ! Je suis directeur général de Babymoov Amérique du Nord à New York, où je vis depuis sept ans. Au quotidien, je m'occupe de la logistique, mais aussi de tout ce qui a trait à notre activité, que ce soit la conformité, le marketing, les ventes et, bien-sûr, la chaîne d'approvisionnement. Mon rôle est de m'assurer que Babymoov devienne une marque de référence pour tous les parents en Amérique du Nord.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur Babymoov en termes de logistique ?
Babymoov, qui fête son vingt-cinquième anniversaire cette année, est une entreprise mondiale disposant de cinq entrepôts à travers le monde : l’un en Asie, deux en Europe et deux en Amérique du Nord. Notre production est répartie entre l'Europe et l'Asie.
Nous vendons différents types produits, et nous sommes ainsi présents dans différentes catégories. Certains produits sont petits et très légers mais d’autres sont un peu plus volumineux, et ne sont pas aussi faciles à expédier. Nous expédions nos produits principalement par voie maritime.
Quels sont les principaux défis que vous rencontrez actuellement ?
Les défis que nous rencontrons en ce moment sont aussi ceux que rencontrent nos concurrents et tous les fabricants de biens de consommation. La pandémie a eu un impact considérable sur notre activité et nous devons constamment nous adapter et rester extrêmement vigilants concernant l’évolution de la conjoncture internationale. En tant qu’entreprise mondiale, nous sommes de plus en plus touchés par des facteurs externes, qu’ils soient d’ordre environnementaux, politiques ou sociétaux.
Les prix ont augmenté de façon spectaculaire au cours des deux dernières années. Au premier trimestre 2022, les prix étaient bien plus élevés qu'il y a 12 mois, et bien plus encore qu'il y a 24 mois. En ce qui concerne les délais, ils n’ont jamais été aussi longs alors que les niveaux de service se sont considérablement dégradés depuis le début de la pandémie.
Ce qui explique le coût d’un produit, ce sont essentiellement trois choses, n'est-ce pas ? Les matières premières, la main d'œuvre, qui est la valeur ajoutée du produit, et enfin le transport international. Ces trois composantes ont été mises à rude épreuve ces deux dernières années. Et je ne vous parle même pas du transport domestique, également sous pression, en raison de la taille du territoire américain, à peu près aussi grand que l'Europe à lui tout seul.
Comment vous êtes-vous adaptés à ces changements (hausse des prix et retards) ?
Nous devons anticiper davantage et changer notre manière de concevoir la logistique. Avant la crise, notre production était en flux-tendus, c'est-à-dire que nous fabriquions exactement le nombre de produits dont nous avions besoin. C'était un système idéal car on payait moins cher le stockage.
Maintenant, nous devons changer notre manière d'aborder les choses. Nous devons désormais anticiper nos expéditions des semaines à l'avance pour diminuer la marge d'erreur et prendre en compte les retards éventuels qui sont devenus la norme. Mon conseil à destination des autres chargeurs ? Consacrez l’intégralité de votre énergie à tout ce qui dépend de vous et optez pour le plus de sécurité possible, avec un stock supplémentaire pour chaque produit par exemple.
En quoi ce choix de l’anticipation a-t-il modifié vos expéditions et votre organisation ?
Nous réalisons moins d’expéditions mais nous avons augmenté les volumes pour chacune d’entre elles. Nous utilisons davantage de conteneurs mixtes - de plus gros conteneurs avec des produits mixtes - et nous essayons d'éviter les 20 pieds. Ces solutions nous ont permis d’optimiser nos coûts.
Nous avons également simplifié notre communication. Avant, nous avions trop de strates : le fabricant, l'équipe de commande de Babymoov, l'entrepôt local et le commissionnaire de transport. Avec OVRSEA, toutes les parties impliquées ont maintenant un accès direct à toutes les informations et documents nécessaires au transport via une plateforme commune, ce qui facilite nos échanges.
Comment envisagez-vous de relever ces défis à moyen et long terme ?
Nous sommes en train de négocier un contrat annuel pour ne plus dépendre des tarifs spot. Si on expédie des volumes importants et que l’on peut se permettre de payer un contrat fixe, bénéficier d’une visibilité sur l'activité et les tarifs constitue un grand avantage. La visibilité n'a pas de prix.
Sur le long-terme, nous devons redéfinir notre stratégie de production en prenant notamment en compte les lieux dans lesquels nous fabriquons nos produits. Lorsque nous subissons des retards, il ne s'agit pas seulement de conséquences de délais de production. Opter pour la relocalisation a du sens compte-tenu du volume de marchandises que nous produisons pour le marché nord-américain. C’est aussi une solution qui nous permettrait de réduire les délais, l'impact environnemental et les coûts d'expédition.
Avez-vous déjà lu The Merchant, la newsletter d'OVRSEA dédiée aux Etats-Unis ?
Le lancement d'OVRSEA aux États-Unis ainsi que le partage d’une newsletter axée sur le marché américain m'aideront incontestablement à me tenir informé en temps réel. Aujourd’hui, il est plus important que jamais dans mon travail de rester attentif aux évolutions de la conjoncture internationale. Disposer d'un moyen d'information facile à assimiler constitue donc une ressource extrêmement précieuse que tout chargeur devrait suivre. J’ai hâte de lire la prochaine édition !