Il y a d'abord eu la délocalisation et la relocalisation, puis la délocalisation proche et la délocalisation multiple, et maintenant la délocalisation amicale fait fureur.
Après deux années de perturbations de la chaîne d'approvisionnement, les expéditeurs américains repensent leur approvisionnement à l'étranger, en particulier leur dépendance à l'égard des fournisseurs de pays lointains comme la Chine.
Alors que les ports restent engorgés, que le conflit entre la Russie et l'Ukraine met à mal les réseaux logistiques européens et que la Chine verrouille ses usines pour lutter contre la propagation rapide du Covid-19, une réécriture des plans d'approvisionnement des expéditeurs semble plus que jamais une bonne idée.
Mais la construction d'usines dans de nouvelles juridictions et le choix de fournisseurs dans des pays différents peuvent s'accompagner d'une nouvelle série de risques que les expéditeurs doivent garder à l'esprit lorsqu'ils cherchent des moyens de contourner les goulets d'étranglement.
L'administration Biden pousse depuis longtemps les entreprises américaines à rapatrier leur production.
Dans un rapport publié en juin 2021, les responsables de la Maison-Blanche ont présenté leurs recommandations pour renforcer la capacité de production nationale et l'approvisionnement dans l'industrie des semi-conducteurs et d'autres secteurs, notamment en finançant des incitations à la fabrication de puces et à la recherche aux États-Unis - et le Congrès a récemment adopté une loi en ce sens.
Le Congrès a récemment adopté une loi à cet effet. Toutefois, selon le rapport de la Maison-Blanche, le rapatriement d'une part importante de la production dans le pays nécessitera une forte augmentation de la main-d'œuvre disponible. Les investissements subventionnés par le gouvernement dans la capacité de production américaine prendront également des années avant d'être opérationnels, et pour les petits expéditeurs, les fournisseurs nationaux sont tout simplement trop chers.
Créer la redondance et la diversité géographique dans les chaînes d'approvisionnement
Une approche purement "made in America" du réaménagement de la chaîne d'approvisionnement augmente également le risque que les expéditeurs mettent tous leurs œufs de fournisseurs dans le même panier.
Comme l'a constaté le Fonds monétaire international en avril, la diversification géographique des chaînes d'approvisionnement mondiales peut quelque peu atténuer les effets d'une perturbation telle que les blocages liés à Covid dans un grand pays fournisseur.
Les chercheurs du FMI ont indiqué qu'une forte contraction de l'offre de main-d'œuvre d'un seul grand fournisseur mondial entraînerait une baisse de 0,8 % du produit intérieur brut de l'économie moyenne. "Dans le scénario de forte diversification", toutefois, ont écrit les services du FMI, "cette baisse est réduite de près de la moitié".
Alors que les chargeurs américains s'efforcent d'atteindre ce type de diversification géographique de leurs fournisseurs, l'Amérique latine, et en particulier le Mexique, apparaît comme une région populaire pour ce type de "multi-shoring", ainsi que pour le "near-shoring", c'est-à-dire le rapprochement de la production des clients du chargeur dans son pays.
"Si vous êtes un fabricant et que vous aviez auparavant des relations stratégiques avec un ou deux fournisseurs qui produisent le même bien ou un bien similaire, nous voyons maintenant ce même fabricant avoir des relations avec trois ou quatre fournisseurs différents", a déclaré en avril le directeur général de la société de logiciels d'approvisionnement Jaggaer.
Le Mexique offre non seulement la proximité des États-Unis, mais aussi une infrastructure manufacturière existante dans l'industrie automobile et d'autres industries, ainsi que des réseaux établis de transport de marchandises.
Les expéditeurs qui cherchent à s'y installer se heurtent toutefois à des problèmes, tels que le manque de réseaux de fournisseurs ou de sophistication de ces derniers. Un fournisseur doit avoir sa propre chaîne ou son propre réseau de fournisseurs et son coût peut être prohibitif s'il n'a pas l'envergure d'un fabricant établi - le genre de fabricant que l'on trouve facilement en Chine.
Il faut également garder à l'esprit l'obligation fiscale créée par l'ajout d'installations dans de nouvelles juridictions, d'autant plus que l'Organisation de coopération et de développement économiques négocie un impôt minimum mondial de 15 % qui pourrait réduire les avantages des crédits et autres incitations. Les États-Unis appliquent déjà un impôt minimum inférieur aux revenus étrangers dépassant un taux de rendement normal sur les actifs corporels tels que les équipements d'usine, ce qui, selon certains, incite les entreprises américaines à développer leur production dans d'autres pays.
Quel est le "blindage" qui vous convient ?
Les expéditeurs peuvent rechercher les bons fournisseurs dans plusieurs régions plus proches grâce à des sociétés de conseil comme Kearney, qui ont des connaissances sur le terrain dans des pays comme le Mexique, et à des cabinets d'avocats comme Baker Tilly US LLP.
Des sociétés comme Jaggaer permettent aux expéditeurs d'envoyer ce qui est essentiellement une demande de propositions à des fournisseurs potentiels dans différents pays et d'évaluer les mérites de chacun. La startup Zipfox fonctionne même comme une sorte de magasin en ligne pour les expéditeurs qui cherchent des fournisseurs au Mexique.
En fin de compte, les décisions relatives au near-shoring, au multi-shoring ou à d'autres changements apportés aux chaînes d'approvisionnement mondiales des chargeurs doivent être prises à la suite d'analyses coûts-avantages approfondies qui tiennent compte des coûts de main-d'œuvre, de capital, de transport, de stockage, d'investissement, de fiscalité et de recherche, ainsi que de la qualité du produit et de l'existence de grappes de fournisseurs, dans lesquelles les producteurs des différents maillons de la chaîne d'approvisionnement ne sont pas isolés géographiquement.
Sources
https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2021/06/100-day-supply-chain-review- report.pdf
https://blogs.imf.org/2022/04/12/global-trade-needs-more-supply-diversity-not-less/
